La colonisation espagnole de l'Amérique
En 1492, la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb opère une bascule de l’Ancien Monde vers le Nouveau Monde, du Moyen-Âge vers l’Époque moderne. Surtout, cet événement marque le point de départ de la colonisation espagnole aux Amériques qui s’étalera jusqu’en 1898, date à laquelle l’Espagne perd ses dernières possessions aux États-Unis après la guerre hispano-américaine.
Cette implantation de l’autre côté de l’Atlantique a été le fruit de grandes expéditions menées par des explorateurs hors pair qui ont profondément marqué l’Histoire. Parmi ces derniers, nous pouvons citer Hernán Cortés ou encore Francisco Pizarro. L’Espagne se dote ainsi d’un puissant empire colonial, qui s’étend de l’Alaska à l’Amérique du Sud en passant par les Caraïbes. Elle en tire de nombreux bénéfices commerciaux, en important et vendant des denrées introuvables en Europe. Les grands explorateurs ont profité d’un contexte favorable dans lequel les souverains espagnols, dont le célèbre Charles Quint, attachaient une grande importance aux conquêtes outre-Atlantique, qu’ils estimaient être des gages de puissance. Prenons alors le temps de revenir sur l’histoire de la conquête espagnole de l’Amérique.
Retrouvez l’épisode de À travers l’Histoire sur Hernán Cortés !
Sommaire
ToggleLes voyages de Christophe Colomb
La genèse du grand dessein : rejoindre les Indes par l'océan Atlantique
C’est sans aucun doute avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb qu’est lancée la colonisation espagnole aux Amériques. Elle ne prend pas encore la forme qu’elle aura plus tard, mais elle se met progressivement en place. Christophe Colomb naît en 1415 à Gênes, qui, à cette époque, est une république. Le jeune Colomb nourrit très tôt un intérêt pour les sciences et les découvertes. Il est fasciné par le récit de voyage d’un certain Marco Polo, qui avait entrepris un long périple en Chine quasi deux siècles plus tôt. L’appel du grand large survient précocement dans la jeunesse de Christophe. Il aurait été matelot à dix ans, puis corsaire un peu plus tard pour le célèbre René d’Anjou, roi d’Aragon et personnalité influente dans l’histoire du royaume de France.
Au début des années 1480, sa connaissance des sciences de la navigation et ses expériences vont le pousser à voir grand. Aux alentours de 1484, Christophe Colomb songe à rejoindre une terre lointaine, les Indes, en passant par le vaste océan Atlantique. Ce projet s’inscrit dans une conception sphérique de la Terre, idée pas si répandue que cela à cette époque. Christophe a été profondément marqué par les ouvrages des grands philosophes grecs, comme Aristote, qui ont attesté de la sphéricité de la planète. Cependant, Colomb a tendance à légèrement minimiser les distances et les chiffres avancés par les hommes de science. Qu’à cela ne tienne, le jeune navigateur génois décide de présenter son projet dans l’espoir de le voir un jour se concrétiser.
La présentation du projet à Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon
En 1484, Christophe Colomb présente son immense projet au roi du Portugal Jean II. Il se heurte à un refus quasi-instantané, mais il ne se décourage pas. Il va alors tenter sa chance en Espagne. En janvier 1486, Colomb rencontre le couple royal, Isabelle de Castille et Ferdinand II d’Aragon, à Cordoue. Notons qu’à cette époque, le royaume de Castille est sur le point d’achever la Reconquista, qui prendra fin avec la prise de Grenade en 1492. Le roi et la reine décident de ne pas donner de réponse trop hâtive au génois étant donné les priorités du moment. Ce n’est qu’au début de l’année 1487 qu’il reçoit une réponse. Celle-ci est défavorable. Mais encore une fois, Colomb ne baisse pas les bras et continue de se battre pour voir son projet accepté et financé. S’en suit alors une suite de déceptions pour Christophe Colomb, puisque son projet est refusé à plusieurs reprises. Surtout, on lui fait gentiment comprendre que son rêve de traverser l’Atlantique n’est pas la priorité.
Cependant, au tout début du mois de janvier 1492, les Espagnols reprennent Grenade des mains des Musulmans, ce qui marque le point final de la Reconquista. Son projet revient alors à la table des négociations. Après des discussions tendues avec Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, un accord final est conclu le 17 avril 1492. C’est ce qu’on appelle les Capitulations de Santa Fe. Cet accord permet non seulement à Colomb de réaliser son projet mais il obtient également une réponse favorable à ses deux prérogatives principales : la gouvernance générale des territoires qu’il pourrait découvrir et un dixième des richesses qu’il pourrait en retirer.
La découverte de l'Amérique par Christophe Colomb
Christophe Colomb et son équipage partent du port de Palos de la Frontera, près de Huelva, en Andalousie. Ils partent à bord de deux caravelles, la Pinta et la Niña, et une caraque, la Santa María. Le 3 août 1492, Colomb quitte les côtes espagnoles en direction des Indes. Plusieurs mois après, le 12 octobre, un marin de la Pinta annonce qu’une terre est en vue. Christophe Colomb croit apercevoir le Japon, c’est-à-dire la partie nord des Indes. Lui et ses hommes débarquent dans la journée sur l’île de Guanahani. Le génois baptise l’île « San Salvador » et se proclame gouverneur général de celle-ci. La première rencontre avec les autochtones est assez ambivalente. Dans ses mémoires, Colomb ne cache pas sa fascination pour eux, mais dans le même temps, il agit comme s’il était supérieur et « civilisé ».
Il participe à la diffusion de l’image du Bon sauvage, décrite par Montaigne, qui dépeint les autochtones comme des individus sauvages, nus, et innocents, prêts à être christianisés par les navigateurs européens. Pourtant, la réalité est bien différente et les tribus locales ont tenté à maintes reprises de s’opposer aux colons, refusant de se convertir. Quoiqu’il en soit, avec les découvertes de Christophe Colomb et ses hommes, la colonisation espagnole aux Amériques a débuté. À partir de là, le génois va réaliser plusieurs voyages sur le continent américain, qu’il croit être les Indes, colonisant des terres tenues par ceux qu’il croit être des « Indiens ».
Les autres voyages de Christophe Colomb
Après ce voyage, le génois remet le couvert pour plusieurs expéditions sur les îles qui bordent le continent américain. À partir de novembre 1493, Colomb découvre plusieurs îles qu’il nomme et colonise. Il fonde les îles de Desiderada, Marie Galanda ou encore Santa María de Guadalupe de Estremadura. Il pose ainsi les premières pierres de la colonisation espagnole aux Amériques. Par la suite, il explore Cuba et la Jamaïque. Lors d’un troisième voyage, il met également les pieds au Venezuela. Christophe Colomb est ainsi le pionnier de l’implantation espagnole sur le continent américain. Il développe un mode de gouvernance particulier, qui resterait globalement en vigueur durant la durée de l’empire colonial espagnol. Il fait imposer le versement d’un tribut aux peuples locaux qu’il rencontre, pour pouvoir financer ses expéditions très coûteuses.
Malgré tout, Colomb mettra en place un régime très dur et parfois violent envers les autochtones, qui finiront parfois par s’affronter entre eux, dans une véritable lutte pour la survie. Ces derniers sont souvent maltraités, considérés comme inférieurs ou encore soumis à des tâches pénibles et éprouvantes. Surtout, les européens amènent avec eux des maladies jusque-là inconnues pour les autochtones. En résultent des épidémies qui déciment des tribus. Les hommes de Christophe Colomb développent également un processus de métissage au gré d’alliances matrimoniales. Mais bien souvent, ces « alliances » prennent en réalité la forme de viols ou de rapts très violents.
Au début du XVIe siècle, Christophe Colomb est profondément diminué par la maladie. Il souffre de la goutte et de problèmes ophtalmologiques. Le conquistador se retire à Séville, puis à Valladolid, aux côtés de sa famille et de son entourage proche. Il y meurt le 20 mai 1506. Colomb laisse derrière lui un lourd héritage, celui des premiers pas de la colonisation espagnole aux Amériques. Mais d’autres conquistadors ne tarderont pas à reprendre la mer, à la découverte de nouvelles terres. Mais ce coup-ci, les Espagnols vont poser le pied sur la terre ferme. C’est ainsi qu’un certain Hernán Cortés va entrer en jeu.
Le conquistador Hernán Cortés
La jeunesse d'Hernán Cortés
Si Christophe Colomb a amorcé les explorations en Amérique, d’autres vont être les pionniers d’une installation durable, marquée par l’émergence de vastes colonies de peuplement. Parmi ces hommes, Hernán Cortés est sans doute le conquistador le plus célèbre. De son nom complet Fernando Cortés de Monroy Pizarro Altamirano, il est un explorateur, un conquérant qui mène ses troupes à la conquête du Nouveau Monde pour le compte du roi d’Espagne Charles Quint. Cortés s’attaque à l’Empire aztèque, vieux de plus de deux millénaires. Au Mexique, il fonde une vaste colonie dont il deviendra le gouverneur général. Ce sont les premiers pas de ce qu’on appelle la Nouvelle-Espagne. L’aventure du conquistador n’est que le point de départ de la colonisation espagnole aux Amériques. Prenons le temps de revenir un peu sur l’histoire du grand Hernán Cortés.
Hernán Cortés naît probablement en 1485 à Medellín, dans le royaume de Castille (à ne pas confondre avec la ville colombienne). Il est issu d’une famille noble dont les parents ont exercé des fonctions importantes. Très vite, il se rend compte que l’école n’est pas faite pour lui. Le jeune Cortés se lance alors dans une carrière militaire, qui le mène d’abord à Saint-Domingue. Là-haut, il reçoit des terres et des indigènes. Il développe l’élevage et l’agriculture et fait preuve d’une épatante aisance. Plus tard, en 1511, il accompagne le conquistador Diego Velázquez de Cuéllar dans son expédition à Cuba. Le jeune Hernán s’y voit confier des responsabilités. Mais très vite, des tensions vont apparaître entre les deux hommes, sur fond de trahison. En 1518, Cortés, pourtant devenu riche, n’est pas satisfait. Il prépare alors sa prochaine expédition : le Mexique. 11 navires, 518 combattants, des chevaux et des chiens. Cortés est lancé.
L'arrivée au Mexique de Cortés
Le 23 avril 1519, Cortés foule les terres mexicaines pour la première fois à Cozumel, une île de la mer des Caraïbes faisant partie de l’Etat mexicain de Quintana Roo. À peine arrivé, il procède comme ses prédécesseurs : évangéliser les autochtones et détruire tous les objets de culte païens. Des croix en bois sont construites et le conquistador fait ériger une statue de la Vierge Marie. Après avoir continué leur route, les Espagnols rencontrent des Mayas, qui leur donnent des vivres, des bijoux ou encore des esclaves. Parmi ces derniers se trouve une femme aux capacités remarquables, une certaine Malintzin. Cortés ne le sait pas encore, mais cette rencontre va jouer un rôle déterminant dans la suite de son aventure. Malintzin, connue sous le nom de La Malinche ou encore Doña Marina, est une femme amérindienne originaire de l’ethnie Nahua dans le Golfe du Mexique. Les conquistadors la décrivent comme étant une femme à la beauté incroyable. Néanmoins, c’est surtout pour ces compétences intellectuelles qu’elle attise la curiosité de Cortés. La Malinche démontre une connaissance impressionnante des cultures locales, des coutumes mexicaines et surtout de la langue parlée par ceux que Cortés ne va pas tarder à rencontrer : les Aztèques.
Les premières conquêtes coloniales
En juillet 1519, Cortés fait transformer le campement dans lequel lui et ses hommes s’étaient installés. Il fonde ainsi la deuxième ville européenne en Amérique bâtie sur la terre ferme. Il lui donne de le nom de Veracruz. Rapidement, Cortés s’érige comme le dirigeant, le grand capitaine de cette ville. Néanmoins, les agissements du conquistador sur le territoire ne font pas l’unanimité et nombreux sont ceux qui s’agitent, menaçant de partir à Cuba pour rejoindre l’ennemi de Cortés, Diego Velázquez de Cuéllar. Après avoir maté la rébellion, le conquistador voit plus grand. En septembre 1519, Cortés et ses hommes se lancent à travers le Mexique dans l’objectif de mettre à genoux l’un des empires les plus prestigieux des Amériques : l’Empire aztèque.
Néanmoins, Cortés est bien conscient qu’il n’a pas assez d’hommes pour mener à bien sa mission. Mais il sait aussi que l’Empire aztèque est détesté par la plupart des tribus voisines. Cortés utilise cette situation et les rallie à lui. Finalement, c’est une puissante armée qui arrive à Cholula, une ville sainte de l’Empire aztèque. Contre toute attente, les Espagnols et leurs alliés reçoivent un accueil grandiose et pacifique. La Malinche apprend qu’une ruse se cache derrière l’hospitalité des Aztèques et transmet le message à Cortés. Ce dernier, sans hésiter une seconde, lance une attaque surprise sur l’ennemi. Les Espagnols massacrent les nobles, tuent entre 5 000 et 6 000 civiles et incendient la ville. Encore aujourd’hui, cet événement est activement présent dans les mémoires mexicaines.
Cortés bat les Aztèques
Le 8 novembre 1519, Cortés entre dans la capitale Aztèque Tenochtitlan. L’empereur aztèque Moctezuma II, impressionné par l’armada espagnole, les accueille en grande pompe. L’empereur leur met à disposition le palais de son père, leur offre de l’or et accepte la plupart des exigences de Cortés, dont la première est d’érigée une statue de la Vierge Marie. Cependant, le conquistador est méfiant et redoute une ruse aztèque. Il veut agir pour ne pas être pris de court. Néanmoins, les plans du conquistador vont être quelque peu contrariés par un incident à Veracruz. Une armée menée par un certain Panfilo de Narváez y débarque pour punir Cortés de se rébellion. Évidemment, c’est Diego Velázquez de Cuéllar qui se cache derrière cette opération. Cortés est donc contraint de prendre quelques hommes avec lui et de partir combattre Narvaez. Il sera victorieux.
Mais pendant ce temps, la situation à Tenochtitlan dégénère. La garnison espagnole, qui redoutait une attaque aztèque, massacre des dizaines de nobles. En réponse, leur palais est assiégé. La surprise est totale. Surtout, Moctezuma meurt et les Espagnols se retrouvent dépourvus de celui qui pouvait être un moyen de pression efficace. Malgré le retour de Cortés, le siège dure et le moral espagnol baisse dramatiquement. Dans la nuit de 30 juin eu 1er juillet 1520, les troupes espagnoles quittent la ville les armes à la main dans un chaos total. Des centaines d’hommes meurent et tout est abandonné sur place : les chevaux, le trésor de guerre ou encore des pièces d’artillerie. Cortés est sauvé par deux de ses hommes, in extremis. Cet épisode est appelé la Noche Triste (la Nuit triste).
Cependant, Hernán Cortés ne se résigne pas. Il possède toujours de sa carte joker, celle des ralliements bienvenus des autres peuples amérindiens qui voient en l’Empire aztèque une menace, voire même un oppresseur. Agrandie de milliers d’hommes, l’armée du conquistador se lance, à nouveau, en 1521, à l’assaut de Tenochtitlan. Le siège dure trois mois. Les Aztèques ne tiennent pas le coup et l’empereur Cuauthémoc se rend en août 1521. Cet épisode marque la fin d’un empire long de plus de 2000 ans, d’une richesse civilisationnelle hors du commun, d’un prestige remarquable : l’Empire aztèque.
L'héritage de Cortés
Hernán Cortés devient ainsi le pionnier de la colonisation espagnole aux Amériques. Après lui, d’autres explorateurs poursuivront les expéditions et poseront les fondations de ce qu’on appelle la Nouvelle-Espagne. Francisco Pizarro fait aussi partie de ceux qui ont marqué la période des Grandes Découvertes et qui ont doté l’Espagne d’un empire colonial toujours plus important. En 1531, ce dernier parvient à défaire l’Empire Inca par les armes et à s’emparer du Pérou, dont il devient le gouverneur général. Pizarro est même parvenu à capturer et à condamner à mort l’empereur Inca de l’époque, Atahualpa.
En Amérique du Sud, le conquistador se livre à des exactions est des crimes qui ont poussé certains historiens à parler de « génocide inca ». Justement, certains contemporains vont rapidement commencer à pointer du doigt les agissements des Espagnols aux Amériques. La cohabitation est loin d’être aussi simple que peuvent le décrire certains conquistadors. Surtout, les moyens employés pour soumettre les tribus locales ont bien souvent suscité de vives critiques.
Critiques de la colonisation espagnole
Bartolomé de las Casas et les premières critiques
Il ne faut pas attendre longtemps pour que la colonisation espagnole engendre des critiques féroces sur les moyens utilisés par les colons aux Amériques. Parmi ces derniers, certains ne toléraient pas les méthodes employées et se sont opposés à Christophe Colomb. Le célèbre Bartolomé de las Casas a été un des premiers à pointer du doigt les horreurs commises par les Espagnols. Las Casas était un écrivain, historien, membre de l’ordre dominicain et missionnaire. Au départ, il fait partie des hommes qui participent à l’expédition de Christophe Colomb. Il reçoit même le gouvernement d’une terre dont il exploite les ressources et donc, les indigènes. Pourtant, dans les années 1510, il prend conscience du sort que les colons réservent aux Indiens et décide alors de se dresser contre ses confrères et de prendre la défense des autochtones. Ce dernier dénonce les conditions de travail auxquelles sont soumis les Indiens, l’absence complète de traitement des maladies ou encore le manque de considération pour leur vie, leur culture et leur héritage.
En 1542, Bartolomé de Las Casas écrit un texte à Philippe II, fils du roi d’Espagne et empereur du Saint-Empire romain germanique Charles Quint, dans lequel il dénonce ce qu’il voit chaque jour sur les terres nouvellement découvertes. Cet ouvrage fait réagir l’empereur qui fait promulguer une loi de protection des indigènes. Dans les faits, elle ne sera jamais vraiment appliquée par les colons. Cependant, le combat de Las Casas ne s’arrête pas pour autant. Le conquistador va alors occuper une place centrale dans un événement majeur de l’histoire de l’Espagne : la controverse de Valladolid.
La controverse de Valladolid
La controverse de Valladolid est le nom donné à un vaste débat politico-religieux qui s’est tenu en Espagne au milieu du XVIe siècle. L’événement a été organisé par le roi d’Espagne Charles Quint, pour aborder le sujet épineux du traitement réservé aux indigènes et, de manière plus générale, pour se mettre d’accord sur la manière de mener les conquêtes aux Amériques. La controverse de Valladolid oppose deux clans aux conceptions morales radicalement différentes. Le premier, représenté par Bartolomé de Las Casas, considérait que les agissements des colons en Amérique n’étaient pas moraux. À l’opposé, Juan Ginés de Sepúlveda défend les méthodes utilisées par les Espagnols. Charles Quint convoque ce débat pour savoir si les Espagnols ont le droit d’user de leur droit de conquête pour asservir puis convertir de force les indigènes ou si ces derniers pouvaient être légitimes et si les colons devaient opter pour une colonisation pacifique.
En fait, cette question fait écho à une thèse qui remonte au Ve siècle avant notre ère et que l’on trouve dans les écrits du philosophe grec Aristote. Dans son ouvrage La Politique, il donne la définition d’un esclave. Selon lui, « chez tous ceux chez qui l’emploi des forces corporelles est le seul et le meilleur parti à tirer de leur être, on est esclave par nature ». L’objet du débat ouvert par Charles Quint revient donc à déterminer si les indiens peuvent être réduits en esclavage par la force. C’est un collège de théologiens, de juristes et d’administrateurs qui se chargera de trancher. Las Casas et Sepúlveda se rejoignent sur le fait que, comme le disait Aristote, certaines âmes humaines sont supérieures à d’autres et qu’il est légitime que les plus faibles soient soumises par la force. De ce point de vue, les deux hommes s’accordent sur le devoir d’évangéliser les Indiens. Le point de discorde réside dans la manière de le faire. Vont s’en suivre des discours philosophiques intenses durant lesquels Las Casas et Sepúlveda vont exposer leur point de vue et les confronter.
Les débats philosophiques autour de la colonisation espagnole
La controverse de Valladolid est allée bien au-delà de son objectif initial et a pris l’allure d’un débat philosophique multiforme. Elle a nourri des réflexions autour de la thématique de l’altérité, de l’ethnocentrisme ou encore de la barbarie. En filigrane se dessine une réflexion plus profonde sur la culture et la hiérarchie de ces dernières. Lorsqu’ils arrivent au Nouveau Monde, les conquistadors sont confrontés à des cultures radicalement différentes de la leur. Les Espagnols, ancrés dans une conception bien restreinte de la morale voient dès lors les indigènes comme des êtres sauvages, barbares et dépourvus de morale. En réalité, il s’agit simplement d’une confrontation avec l’altérité, avec autrui, avec des individus qui n’ont pas les mêmes coutumes. Quoiqu’il en soit, de nombreux philosophes se sont emparés de cet évènement historique pour développer des théories philosophiques. Aujourd’hui, la controverse de Valladolid reste un événement majeur s’inscrivant pleinement dans le processus de la colonisation espagnole aux Amériques.
Parmi les grands penseurs qui se sont aventurés sur le terrain glissant qu’est la conquête des Amériques par les Espagnols, il y a les philosophes des Lumières. Nombreux sont ceux qui portent un jugement très critique à l’égard des crimes commis par les conquistadors sur les indigènes. Montesquieu, par exemple, qui s’est intéressé à la notion d’altérité dans ses ouvrages, explique que « les Espagnols, désespérant de retenir les nations vaincues dans la fidélité, prirent le parti de les exterminer et d’y envoyer d’Espagne des peuples fidèles. Jamais dessein horrible ne fut plus ponctuellement exécuté. ». Diderot s’est également saisi de la question et a dénoncé la cruauté des Espagnols sur les terres du Nouveau Monde. De manière générale, la colonisation espagnole aux Amériques a suscité de larges critiques, et ce très tôt. La plupart des détracteurs de conquêtes espagnoles étaient en faveur d’une évangélisation des indigènes, mais par une voie pacifique et dans le respect de leur humanité. Ils ont participé à jeter la lumière sur des pratiques contestables, mais qui ne sont pas imputables qu’aux Espagnols. D’autres pays européens se livreront à des actes violents sur le continent américain, au nom d’une mission civilisatrice, quasi-messianique, et d’un désir de puissance qui passe par la conquête et l’asservissement.
La colonisation espagnole : moments forts
- 1415 : Naissance de Christophe Colomb à Gênes.
- 1484 : Christophe Colomb réfléchit à un voyage pour atteindre les Indes.
- 17 avril 1492 : Capitulations de Sante Fe. Le couple royal espagnol accepte le projet et les prérogatives de Christophe Colomb.
- 732 : Charles Martel défait les Arabes à Poitiers.
- 3 août 1492 : Départ de Christophe Colomb depuis le port de Palos de la Frontera.
- 12 octobre 1492 : Colomb et ses hommes arrivent sur l’île de Guanahani. Début de la colonisation espagnole de l’Amérique.
- 1506 : Mort de Christophe Colomb.
- Juillet 1519 : Hernán Cortés foule pour la première fois les terres mexicaines. Début de la colonisation sur la terre ferme.
- Novembre 1519 : Cortés entre dans la capitale de l’Empire aztèque et s’empare de son empereur, Moctezuma II.
- 30 juin au 1er juillet 1520 : Fuite des Espagnols. Épisode connu sous le nom de Noche Triste.
- 1531 : Francisco Pizzaro met à genoux l’Empire Inca au Pérou et fait condamner à mort son empereur.
- 1542 : Bartolomé de Las Casas écrit un texte à Philippe II, fils de Charles Quint, dans lequel il dénonce les méthodes employées par les colons en Amérique.
- 1550 – 1551 : Controverse de Valladolid, qui a pour but de statuer sur la manière de mener les conquêtes au Nouveau-Monde.
- 1898 : L’Espagne perd ses dernières possessions en Amérique. Le Mexique devient indépendant. C’est la fin de l’Empire colonial espagnol.
La colonisation espagnole : l'essentiel
- C’est avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb qu’est lancée la colonisation espagnole aux Amériques.
- Aux alentours de 1484, Christophe Colomb songe à rejoindre une terre lointaine, les Indes, en passant par le vaste océan Atlantique.
- En 1484, Christophe Colomb présente son immense projet au roi du Portugal Jean II. Il se heurte à un refus quasi-instantané. Il le présente alors au couple royal d’Espagne, qui va également refuser son projet.
- Un accord est finalement trouvé et conclu le 17 avril 1492. C’est ce qu’on appelle les Capitulations de Sante Fe.
- Christophe Colomb et son équipage partent du port de Palos de la Frontera, près de Huelva, en Andalousie. Ils partent à bord de deux caravelles, la Pinta et la Niña, et une caraque, la Santa María. Le 3 août 1492, Colomb quitte les côtes espagnoles en direction des Indes.
- Le 12 octobre 1492, Colomb et ses hommes débarquent sur l’île de Guanahani. Le génois baptise l’île « San Salvador » et se proclame gouverneur général de celle-ci.
- Avec les découvertes de Christophe Colomb et ses hommes, la colonisation espagnole aux Amériques a débuté. À partir de là, le génois va réaliser plusieurs voyages sur le continent américain, qu’il croit être les Indes, colonisant des terres tenues par ceux qu’il croit être des « Indiens ».
- Un autre explorateur va profondément pousser la colonisation espagnole aux Amériques. C’est Hernán Cortés. Il va mettre les pieds au Mexique et défaire le puissant Empire aztèque.
- Le 23 avril 1519, Cortés foule les terres mexicaines pour la première fois à Cozumel, une île de la mer des Caraïbes faisant partie de l’Etat mexicain de Quintana Roo. À peine arrivé, il procède comme ses prédécesseurs : évangéliser les autochtones et détruire tous les objets de culte païens.
- Là-haut, Cortés rencontre une femme, surnommée la Malinche, qui va profondément aider le conquistador dans sa conquête du Mexique.
- Le 8 novembre 1519, Cortés entre dans la capitale Aztèque Tenochtitlan. Seulement les plans de Cortés vont être contrariés par la résistance Aztèque.
- Dans la nuit de 30 juin eu 1er juillet 1520, les troupes espagnoles quittent la ville les armes à la main dans un chaos total. C’est l’épisode de la Noche Triste.
- Cortés et ses hommes vont lancer un nouveau raid sur la ville en 1521, qui fera capituler l’Empire aztèque.
- Hernán Cortés devient ainsi le pionnier de la colonisation espagnole aux Amériques. Après lui, d’autres explorateurs poursuivront les expéditions et poseront les fondations de ce qu’on appelle la Nouvelle-Espagne, comme Francisco Pizarro qui a mis à genoux l’Empire inca au Pérou
- Les agissements des colons en Amérique vont rapidement être critiqués. La violence, l’asservissement forcé et le mauvais traitement sont pointés du doigt par de nombreux contemporains, comme Bartolomé de las Casas.
- Ce dernier prend part à la célèbre controverse de Valladolid, qui tranche sur la façon de mener les conquêtes au Nouveau-Monde.
- Plus tard, les philosophes des Lumières s’empareront du sujet pour mener des réflexions philosophiques sur l’altérité, la culture ou encore l’ethnocentrisme.
Pour en savoir plus sur la colonisation espagnole de l'Amérique :
- Colomb, Christophe, La découverte de l’Amérique, écrits complets, La Découverte, 2015
- Crouzet, Denis, Christophe Colomb, Hérault de l’Apocalypse, PUF, 2018
- Cortés, Hernán, La conquête du Mexique, La Découverte, 2007
- Christophe Colomb, (2022), dans Wikipédia
- Hernán Cortés, (2022), dans Wikipédia
- Nouvelle-Espagne, (2022), dans Wikipédia
- Larané, André, Cristophe Colomb atteint le Nouveau Monde, dans Hérodote.net
- Hernán Cortés, dans World History