Le débarquement de Provence
Cette année 2024 marque les 80 ans du débarquement de Provence, survenu le 15 août 1944 sur les plages méditerranéennes. Cette opération, souvent éclipsée par le débarquement de Normandie, fut pourtant cruciale pour la libération de la France et la victoire des Alliés face à l’Allemagne nazie. Le débarquement de Provence a permis d’ouvrir un second front à l’ouest et de faire capoter le dispositif défensif allemand, déjà fragilisé. Ce fut un moment d’espoir décisif pour les Alliés qui, désormais, avaient repris un avantage quasiment irréversible sur la Wehrmacht. Les combats féroces sur les plages et dans l’arrière-pays provençal ont jeté les bases d’une avancée rapide des forces alliées à travers la France, culminant avec la libération de Paris quelques semaines plus tard.
Au-delà de son importance stratégique, « l’autre débarquement » constitue un symbole fort, celui d’une véritable armée française participant à la libération de la France après des années en dehors du territoire national. Plus encore, la France a semblé, pour une fois dans la Seconde Guerre mondiale, contribuer à façonner la stratégie alliée. Le débarquement de Provence est aussi celui des mémoires oubliées, notamment celles des soldats des colonies dont le rôle a été plus qu’essentiel. Dans cet article, nous allons revenir sur le déroulé du débarquement de Provence et sur sa place dans l’historiographie. Bonne lecture !
Sommaire
ToggleTractations et préparatifs du débarquement de Provence
L’idée d’un débarquement en Provence ne faisait pas l’unanimité au sein des Alliés, les États-Unis et la Grande-Bretagne étant réticents aux velléités du général de Gaulle. Winston Churchill ne croit pas en un débarquement sur les plages méditerranéennes et souhaite plutôt focaliser les efforts militaires sur la Normandie et l’Italie où les Alliés ont débarqué en juillet 1943. Dans ses mémoires, le général britannique Montgomery disait crûment : « Mais Anvil [ou Dragoon] eut lieu le 15 août et fut, à mon sens, l’une des plus grandes erreurs stratégiques de la guerre ». De plus, Churchill voulait un débarquement dans les Balkans pour atteindre Berlin avant les Soviétiques.
Les Britanniques avaient aussi en tête les lendemains de la guerre et voulaient empêcher l’expansion de l’URSS. Pour eux, et ce n’est pas absurde, concentrer les forces en Italie aurait pu permettre d’anticiper une potentielle domination soviétique après la chute de l’Allemagne nazie. Roosevelt, quant à lui, préférait une amitié avec Staline, au moins de façade, au nom de la paix durable. Ainsi, malgré la pression de Churchill, Staline et Roosevelt conviennent de l’ouverture d’un second front sur les côtes méditerranéennes, en appui du principal débarquement en Normandie. Tout cela est ficelé à l’été 1943. Malgré quelques retards et de nombreux doutes sur le succès de l’opération, les Alliés ouvrent un second front en France et débarquent sur les côtes méditerranéennes le 15 août 1944.
Les forces en présence lors du débarquement de Provence
Contrairement au débarquement de Normandie où la présence française était marginale, les soldats français composent la majorité des troupes débarquées à partir du 15 août sur les plages méditerranéennes. Ce fut un souhait cher au général de Gaulle qui, en 1943, avait réussi à obtenir la participation de plusieurs divisions françaises au débarquement de Provence. Sur plus de 400 000 soldats alliés, près de 300 000 sont français.
Toutefois, l’opération est commandée par le général américain Patch et non par le général français de Lattre de Tassigny, plus gradé et avec plus d’hommes sous ses ordres. Dans les faits, cette asymétrie ne change pas grand-chose car la France engage cette fois-ci une véritable armée et non des corps expéditionnaires. Il s’agit d’une armée aguerrie et entraînée, composée à 50% de troupes nord-africaines et à près de 10% de soldats subsahariens.
Ce schéma présente de manière globale les différentes forces engagées dans le débarquement de Provence. Il n’est pas exhaustif tant les divisions sont nombreuses.
Le déroulé du débarquement de Provence
Le 14 août au soir, des messages radio codés parviennent depuis Londres, tous signifiant l’imminence du débarquement allié sur les côtes méditerranéennes. « Le chasseur est affamé » ou encore « Nancy a le torticolis » sont parmi les plus célèbres. Dans la nuit du 14 au 15 août, des parachutistes américains et britanniques sont largués derrière les lignes allemandes et les premiers commandos français atteignent les plages par voie maritime, permettant ainsi de prendre par surprise les batteries ennemies et d’affaiblir le dispositif de défense allemand. Au petit matin, près de 2000 navires alliés arrivent sur les côtes varoises : Français, Américains et Canadiens prennent d’assaut les plages, de Toulon à Cannes. S’ajoute un précieux appui aérien apporté par des chasseurs et des bombardiers alliés, parmi lesquels des aviateurs français. Le lendemain, le 16 août, l’Armée B française rejoint les plages. Une deuxième vague du débarquement survient dans les jours suivants, avec de nombreux corps de bataille français.
Face aux Alliés, la XIXe Armée allemande semble relativement fragile. Malgré quelques villes rudement défendues comme Toulon ou Marseille, le reste du « Mur de la Méditerranée » apparaît vulnérable. De plus, cela fait plusieurs semaines que l’armée stationnée au sud est ponctionnée pour renforcer la défense en Normandie. Le 17 août, les Allemands doivent déjà se replier, poursuivis par les Alliés. Fin août, les Français reprennent Marseille et Toulon trois plus vite que prévu et les Américains remontent la vallée du Rhône par la route Napoléon.
En remontant vers le nord, les Allemands se heurtent aux maquisards et aux résistants français, galvanisés par l’espoir suscité par les deux débarquements. Prise sous tous les feux, l’armée allemande vit ses derniers jours. Près de 100 000 soldats allemands ont été faits prisonniers et beaucoup se sont rendus sans même combattre, signe de l’affaiblissement de l’armée du IIIe Reich. Le débarquement de Provence est un véritable succès pour les Alliés et a largement contribué à la libération de la France.
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Le débarquement de Provence : oublié de l’histoire ?
Le débarquement de Provence a souvent été oublié au profit du débarquement de Normandie, certes beaucoup plus impressionnant en termes de moyen et de stratégie. Moins médiatisé, le débarquement de Provence n’en est pas moins important dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Le fait que le débarquement de Provence ait été contesté dès le début a quelque peu entaché sa réputation. Il n’a cependant en rien été inutile, comme on a pu le dire au lendemain de la guerre, et a constitué un succès précieux dans la Libération de la France. Il a permis de soulager les Soviétiques à l’est et de briser le dispositif de défense allemand qui ne tenait déjà qu’à un fil. Le succès de l’opération a même été au-delà des espérances alliées.
Cependant, le débarquement de Provence a aussi débouché sur une épuration parfois sauvage et sur ce qu’on appelle « le blanchiment de l’armée ». En remontant la vallée du Rhône, l’armée de Jean de Lattre de Tassigny s’est vidée de nombreux soldats des colonies et s’est renflouée de résistants et maquisards, donnant parfois lieu à de véritables règlements de compte. De ce fait, entre autres, cette période a naturellement créé un certain malaise historique et mémoriel. Malgré tout, les historiens travaillent à valoriser ce débarquement et à lui donner la place qu’il mérite, en rappelant le rôle de chacun dans ce succès précieux de l’histoire de France.
Pour en savoir plus sur le débarquement de Provence
- Dufour, Pierre, Le débarquement de Provence : 15 août 1944, Pygmalion, 2012 / Voir en ligne
- Lopez, J. (dir), Wieviorka, O. (dir), Les mythes de la Seconde Guerre mondiale, Tempus Perrin, 2018 / Voir en ligne
- Lamarque, Philippe, Le débarquement de Provence, Le Cherche Midi, 2004 / Voir en ligne
- Le débarquement de Provence, (2024), dans Wikipédia
- Août 1944 : le débarquement de Provence, dans Ministère des Armées
- Le débarquement de Provence, dans Chemins de mémoire